Les Laudes, op.5
Kidân za-Nageh, sept pièces pour orgue (1985)
Durée : 32’
Dédicace :
à Daniel Birouste et Bertrand Lazerme
Création : 24 octobre 1985, Paris,
Église des Billettes, par Michel Bourcier
Caroline Robinson >
Bernard Foccroulle >Thomas Monnet >
Titres des parties :
1 Dis-moi ton nom...
(Ngrânni samaka) : un appel à la prière.
2 Prière pour délier les charmes
(Mâftehê seray) : une incantation.
3 Harpe de Marie
(Arganona Mâryâm) : une danse sacrée.
4 Chant des fleurs
(Mâhlêta segê) : une méditation.
5 Pleurs de la Vierge
(Lâhâ Mâryâm) : un cantique.
6 Rempart de la Croix
(Hasura Masqal) : une procession
7 ...Seigneur des Lumières
(Agzi abahêr zabarhânât) : une hymne
Esquisse des Laudes, 1984, encre sur papier calque. Collection particulière.
LES LAUDES, OP.5
Les « LAUDES » forment la partie centrale d'un triptyque symphonique
consacré à Marie, mère de Jésus (Mère de Dieu et Mère de l'Humanité pour les
chrétiens). La composition de cette vaste fresque de 1979 à 1988.
J'ai retenu trois moments importants de la vie de cette femme exceptionnelle:
ce sont trois des quinze «Mystères du Rosaire».
- La « Visitation » (2ème « Mystère joyeux »).
- Le « Crucifiement et la Mort de Jésus » (5ème « Mystère douloureux »).
- L'« Assomption» (4ème « Mystère glorieux »).
Le premier ouvrage de ce triptyque « marial » est apparenté à l'oratorio: c'est le « Magnificat – Antiphone pour la visitation », op. 3, pour ténor, chœur mixte et orchestre. Les textes proviennent du «Magnificat» lui-même (Luc I, 46-55) mais aussi de Psaumes et du « Cantique des Cantiques ». Le troisième volet est le plus proche du « Mystère sacré » du Moyen-âge, peut- être plus encore de l'Opéra. “Asùn”,(« Assoun » anciennement « Requiem de la Vierge »), op.7, pour soprano, ténor, baryton, chœur d'enfants, chœur mixte et orchestre, comporte en effet un scénario construit en grande partie sur le Récit grec de la Domination de Marie, mais aussi d'après beaucoup d'autres sources éthiopiennes et arabes. Tous les textes chantés
dans ces deux œuvres sont traduits en latin. Le ténor soliste des deux ouvrages est l'archange Gabriel, le soprano est Marie, et le baryton, est l'apôtre Jean.
Au centre de cette fresque prend place une suite de sept pièces pour orgue
seul, inspirées du Kidân Za-Nageh, ou « office du matin » de la liturgie éthiopienne.
D'où le titre: « Laudes ».
Le lien entre les « Laudes » et le 5ème « Mystère Douloureux » s'explique
par le fait que j'ai composé cette œuvre à une époque (entre 1983 et 1985) où l'Ethiopie était persécutée par le régime politique du moment (communisme matérialiste dialectique), dont l'essentiel du programme était l'éradication du Christianisme.
Or Marie est un personnage extrêmement important en Ethiopie: 32 fêtes lui sont dédiées dans l'année liturgique.
De l'« Office du matin » éthiopien, je n'ai gardé que la forme générale: une
succession de courtes prières, que l'on trouve dans les livres de dévotion privée. Les titres des sept pièces des « Laudes » sont ceux des prières correspondantes dont les textes sont souvent portés en amulettes par des Abyssins. L'amulette est contenue dans un étui rectangulaire ou cylindrique. Elle a la forme d'un petit rouleau de parchemin, orné d'enluminures et de dessins magiques. Ces prières ont en effet la particularité de protéger du Mal, mais aussi de certaines maladies...
Successivement:
1. « Dis-moi ton nom... » (Nagrânni samaka)- un appel à la prière.
2. « Prière pour délier les charmes » (Mâftehê seray) - Une incantation.
3. « Harpe de Marie » (Arganona Mâryâm)- Une danse sacrée.
4. « Chant des fleurs » (Mâhlêta segê)- Une méditation.
5. « Pleurs de la Vierge » (Lâhâ Mâryâm)- Un cantique.
6. « Rempart de la Croix » (Hasura Masqal)- Une procession.
7. « ... Seigneur des lumières » ('Gzi abahêr zabarhânât) – Une hymne.
Le Magnificat éthiopien: «Watibye Mâryâm ta'abbio nefsiye...» dont la forme
primaire est donnée dans «Harpe de Marie» (mes.22-27) est développée de façon chaque foi différentes dans les autres pièces de la suite.
CARACTERSISTIQUES TECHNIQUES DES « LAUDES »
Les deux particularités techniques de l'ouvrage sont d'une part la présence de quintolets et de triolets irrationnels dérivés de certains rythmes africains; et d'autre part l'utilisation de nombreux jeux de mutations séparés de leur fondamentaux, et destinés à créer et entretenir des champs vibratoires complexes.
I. Quintolets et Triolets irrationnels
Certains mètres sont formés de valeurs inégales et non-proportionnelles,
irréductibles aux quintolets et triolets de la notion occidentale. On les repère à
l'absence de regroupement : ou au dessus des notes concernées.
Ces mètres sont très fréquents dans ma musique en général. Ils sont le plus
souvent récurrents, voire même longuement répétés lors des séquences litaniques,
incantatoires, et ont pour but d'entretenir une pulsation extrêmement chaloupée,
proche de celle du Gospel ou du Reggae.
Jean-Louis Florentz